Oui, il y a comme une injonction à être bien, « zen », en pleine conscience, à pratiquer le yoga, la méditation, le qi gong, et à le faire savoir… Les réseaux sociaux nous abreuvent de conseils plus ou moins pertinents, tout est question de volonté, d’entraînement, qui le veut le peut, etc.
Prendre soin de soi devient un impératif, une règle de vie.
Être « zen » est un devoir.
Du moins pour une certaine catégorie de la population, car pour beaucoup, le boulot, le temps passé dans les transports, les tâches domestiques, le manque de ressources financières, la difficulté à trouver un emploi, un logement etc. occultent complètement la notion de bien-être, et il serait même indécent de l’évoquer. Tous les « bons » conseils du développement personnel comme » écoute tes besoins », « écoute ton corps », « prends du temps pour toi », ne tiennent pas la route dans ce genre de situations.
Il me semble qu’il faut toujours savoir d’où on parle et à qui on parle. On ne peut pas tenir de discours généraliste sur le bien-être. Le bien-être est réservé à une certaine catégorie de la population, c’est injuste mais c’est un fait.
Donc en tant que femme blanche, éduquée et privilégiée, je peux reconnaitre les bénéfices qu’une pratique régulière de la relaxation, de la sophrologie, de la méditation m’ont apportée mais aussi, et ça me semble tout autant important, ce que ces pratiques m’ont apportée dans ma relation aux autres. Car trop se concentrer sur soi peut aussi nous rendre insensible aux autres.
La sophrologie nous apprend à nous relier.
Reprenons : la sophrologie serait-elle une méthode parmi d’autres qui promettrait une vie sans stress à coups de respirations ?
Je ne crois pas. Je ne crois pas à une vie sans stress, la vie est stressante, le monde est stressant, plus ou moins selon l’endroit où on vit, selon que l’on se tient informé ou non de l’état du monde, plus ou moins selon les événements de vie que l’on traverse. La sophrologie ne promet pas une vie sans aspérité, sans émotions, sans drames. Elle nous apprend à profiter des moments de plaisir en les conscientisant, à accepter nos émotions, à nous souvenir justement que la vie est mouvement, à nous faire confiance pour retrouver un chemin vers l’apaisement ou la joie ou la santé ou encore le désir, un chemin parfois long, oui, rien de miraculeux, la sophrologie demande des efforts qui portent leurs fruits en prenant le temps.
Et oui, la respiration est importante, fondamentale mais « bien » respirer n’est souvent pas suffisant.
Aussi, parfois, le stress vient nous alerter : nous pouvons avoir de bonnes raisons d’être stressé.e ! Pression au travail, ambiance toxique, surcharge de travail, problèmes de couple, voire violences morales ou physiques… respirer nous apaisera, mais nous serons toujours, et à juste raison, en souffrance. Il faudra alors chercher un moyen de changer la situation. Ce n’est pas toujours facile, c’est vrai, mais être stressé.e en continu non plus.
Trop facile pour certaines sociétés de financer des cours de méditation ou de yoga pour des salarié.es qu’elles pressurisent toute l’année, comme si c’était aux salariés à apprendre à mieux « gérer » (supporter) le stress plutôt qu’aux patrons de faire l’effort de moins les y soumettre !
La sophrologie, telle que je la pratique et que la comprend, est avant tout une expérience, en perpétuel mouvement, qui accompagne émotions, sentiments, instants de vie en conscience sans pour autant nous couper des autres.